26 September 2022• byANDREI
Chaque église a une personnalité en soi parce qu’elle transmet l’âme et l’histoire d’une communautéet chaque communauté est différente. Elle est le fruit d’un effort communautaire. L’existence dupaysan qui était construite jadis autour de sa relation avec Dieu, la nature et ses proches. L’égliseétait l’édifice central du village. Il y avait une concurrence entre les villages pour celui qui auraitl’église la plus belle. En Transylvanie, les Roumains n’avaient le droit de bâtir que des églises enbois. Malheureusement, ces églises étaient facilement détruites par les envahisseurs, mais en mêmetemps elles pouvaient être démontées et reconstruites ailleurs. C’est la raison pour laquelle on trouvetrès peu d’églises médiévales dans cette région à l’exception de quelques églises en pierre.Les églises de Transylvanie ne respectent pas en général l’architecture traditionnelle orthodoxe. Laplupart ont la structure d’une maison traditionnelle, agrandie et développée de façon à respecter lestrois chambres d’une église orientale : le sanctuaire ou l’autel, la nef et le vestibule. Cette dernièrepièce d’abord destinée aux catéchumènes (les personnes qui n’étaient pas encore baptisées et qui sepréparaient pour le baptême) a été plus tard employée par les femmes. Le sanctuaire était la partiedestinée aux prêtres, où on célèbre les saints mystères de l’Eglise, tandis que la nef réunit les fidèlesparticipant aux offices. Toutes les églises orthodoxes de Transylvanie ont en revanche une tour trèshaute, pour deux raisons : pour atteindre le ciel et pour se protéger des envahisseurs. Pour cettemême raison et pour les protéger des inondations, elles sont bâties sur des collines.Le baron Auguste de Gérando, le mari de la comtesse hongroise Emma Teleki écrivait au sujet deséglises de Transylvanie dans La Transylvanie et ses habitants, ouvrage publié en 1845 :Les églises valaques sont pittoresques. Elles sont fort basses et construites en bois; le toit, qui esttrès élevé, est formé des bardeaux découpés, auxquels la pluie donne un reflet argenté. Un clocherégalement de bois, terminé par une aiguille fort mince, surmonte régulièrement cet édifice primitif.Les murs sont couverts à l’extérieur de peintures naïves. Quelques fois une galerie flanque l’égliseet une porte sculptée et découpée avec assez d’art ferme le champ qui l’entoure. On rencontre enfoule de charmantes églises de ce genre, et on se demande comment des hommes aussi simples, sansautre guide que leur inspiration, parviennent à ériger et à orner ces édifices.Suivant l’habitude valaque, la porte qui est percée sur le côté, est si basse qu’on ne peut entrer sanscourber la tête: peut-être dans la pensée des architectes y a-t-il une intention. Deux fenêtres fortpetites répandent à l’intérieur de l’église une lumière douteuse. A la faveur de ce demi-jourmystérieux on aperçoit d’éclatantes peintures qui ornent les murailles de bois. Ce sont des portraitsde saints et des scènes allégoriques, avec le nom des personnages et l’explication des sujets enlettres cyrilliennes. Ici l’on a ingénieusement représenté les péchés capitaux, et l’on voit le diableentraîner les pécheurs avec un rire terrible. Là, la mort emporte d’un même coup un roi, un prêtreet un villageois. Cette dernière scène se retrouve souvent dans les églises valaques. Les artistespaysans se consolaient de l’oppression en proclamant, sous l’égide de la religion, l’égalité deshommes (…). Au fond de l’église se trouve l’iconostase, la cloison qui sépare le prêtre de la foule.Elle est dorée et recouverte d’une multitude de bannières et de tableaux bénits. Les tableaux sont detoutes dimensions; aussi les personnages sont-ils de toutes grandeurs. Faute d’espace ils serecouvrent les uns les autres, si bien qu’une tête colossale de saint Nicolas repose sur le corpsdémesurément petit de saint Pierre placé au-dessous. En jetant un coup d’œil rapide autour de soi,en voyant cette quantité de figures incroyables qui vous regardent, celles-ci en riant affreusement,celles-là en grinçant des dents, on se croit dans un monde fantastique. L’obscurité augmente encorel’effet car l’œil n’aperçoit pas de prime abord toutes ces chinoiseries, qui apparaissent peu à peu, etsemblent se multiplier pour vous.Si naïves que soient ces peintures, elles attestent chez la nation valaque un certain goût pour l’art.Après tout ce sont des paysans qui les ont faites. Tel garçon qui jusque-là a aidé son père dans letravail des champs se sent un jour disposé à peindre : anch’io son’ pittore! Et le voilà qui illumineensuite sa fantaisie. C’est un artiste mis à la hauteur de la société au milieu de laquelle il vit. Maisque cette société s’élève et se rapproche de la nôtre, rien n’empêchera que ce paysan soit un peintre.Cette disposition des Valaques tient à leur origine italienne. Ce peuple est intelligent et spirituel..« Je m’appelle Saint Michel. Mon nom est dû à la piété populaire pour l’archange vainqueur,commune aux Orthodoxes et aux Catholiques. Je me trouvais dans les monts Apuseni dans lacommune Lupșa au village de Vința au bord d’un lac de déchets chimiques qui allait m’avaler. Celac chimique a été créé par la plus importante exploitation de cuivre d’Europe qui se trouve à RoșiaPoieni. Cette mine a été ouverte en 1978 à l’époque de Ceausescu. Le lac a déjà couvert un village,Geamăna, et l’église jumelle de ce village en 2010.Le village de Vința s’est développé pendant la première moitié de dix-huitième siècle à la suite del’ouverture des mines dans la région par le pouvoir impérial des Habsbourg. Son existence est liée àl’industrie minière, sa disparition de même. Il est mentionné dans la conscription de 1750. Je fusbâtie au début des années 1760, car un des livres de culte m’est dédié en 1763 et le clocher a étéforgé spécialement pour moi en 1775. Le prêtre qui m’a bâtie s’appelait probablement Ianc. Je fuspeinte par Simion Silaghi, un peintre surnommé le peintre des Apuseni, et son fils Simion entre1819 et 1821. Raluca m’a découverte en 2016, mais comme j’étais ouverte seulement quatre fois paran, elle n’a pu me visiter qu’en 2018 lors de la dernière messe célébrée ici. J’étais un peu triste, carj’aimais être ouverte et que des gens viennent prier dans mes entrailles, mais à cause del’exploitation minière les villageois ont quitté les lieux. Raluca a entendu ma voix et elle a étéémerveillée par mes peintures. Le peintre Silaghi avait vraiment fait preuve de tout son talent. Dansl’autel il avait représenté les anges et les prophètes et sur la voûte la liturgie céleste. L’iconostasesur trois registres présentaient Christ et les apôtres, la Vierge et les prophètes et la Crucifixion. Apart les fêtes et l’Evangile des dimanches de la Pentecôte, dans la nef il y avait une représentationunique des 24 vieillards de l’Apocalypse de St. Jean qui étaient disposés en deux rangs parallèlessur les murs latéraux. Le Jugement Dernier était représenté au-dessus de l’entrée dans la nef, tandisque dans le vestibule on trouvait la parabole des Dix Vierges, plusieurs saintes martyres etl’Expulsion du Paradis au-dessus de l’entrée dans l’église.Elle a décidé de me sauver, mais comme elle n’en avait pas les moyens, elle a fait de belles photoset elle est partie faire des expositions à Bucarest, à Alba Iulia et à Sibiu. Tout le monde a appris monhistoire et tous les spécialistes, architectes, restaurateurs, peintres ont pu me voir. Ils étaient étonnésparce que je ne sois pas monument historique. La Fondation Pro Patrimonio, Raluca et le MuséeASTRA sont convenus que la meilleure solution pour moi était d’être transférée au musée. Ce n’étaitpas facile car une de mes particularités était le fait que j’étais bâtie en pierre, mais ma voûte et matour étaient en bois, seul mon sanctuaire était entièrement en pierre. Il fallait trois types despécialistes pour me démonter, et de plus l’eau était seulement à un mètre du mon mur extérieur.Raluca était très inquiète. Elle avait du mal à trouver des spécialistes pour extraire la fresque. Elleavait aussi du mal à trouver l’argent pour payer les spécialistes et les matériaux. Elle marchait desfois à pied 5 kilomètres avec son amie parce qu’elles n’avaient pas de voiture. Je l’ai entendue direune fois au peintre que s’il voulait qu’elle sauve ses fresques à Vința, il faudra qu’il l’aide depuis lemonde d’au-delà. Elle avait emprunté de l’argent pour pouvoir démarrer les travaux. Elle a reçufinalement les fonds après avoir négocié avec CupruMin, l’entreprise qui gérait l’exploitationminière, et l’église a été cédée au Musée ASTRA, comme elle l’avait demandé aux autoritésecclésiastiques. Les eaux progressaient rapidement et menaçaient de me couvrir. Il y avait une lutteacharnée contre le temps, contre les eaux, car il fallait finir tout avant l’arrivée de l’hiver, qui danscette région est très sévère. »
Last modified: 26 September 2022
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