Chaque église a une personnalité en soi parce qu’elle transmet l’âme et l’histoire d’une communauté
et chaque communauté est différente. Elle est le fruit d’un effort communautaire. L’existence du
paysan qui était construite jadis autour de sa relation avec Dieu, la nature et ses proches. L’église
était l’édifice central du village. Il y avait une concurrence entre les villages pour celui qui aurait
l’église la plus belle. En Transylvanie, les Roumains n’avaient le droit de bâtir que des églises en
bois. Malheureusement, ces églises étaient facilement détruites par les envahisseurs, mais en même
temps elles pouvaient être démontées et reconstruites ailleurs. C’est la raison pour laquelle on trouve
très peu d’églises médiévales dans cette région à l’exception de quelques églises en pierre.
Les églises de Transylvanie ne respectent pas en général l’architecture traditionnelle orthodoxe. La
plupart ont la structure d’une maison traditionnelle, agrandie et développée de façon à respecter les
trois chambres d’une église orientale : le sanctuaire ou l’autel, la nef et le vestibule. Cette dernière
pièce d’abord destinée aux catéchumènes (les personnes qui n’étaient pas encore baptisées et qui se
préparaient pour le baptême) a été plus tard employée par les femmes. Le sanctuaire était la partie
destinée aux prêtres, où on célèbre les saints mystères de l’Eglise, tandis que la nef réunit les fidèles
participant aux offices. Toutes les églises orthodoxes de Transylvanie ont en revanche une tour très
haute, pour deux raisons : pour atteindre le ciel et pour se protéger des envahisseurs. Pour cette
même raison et pour les protéger des inondations, elles sont bâties sur des collines.

Le baron Auguste de Gérando, le mari de la comtesse hongroise Emma Teleki écrivait au sujet des
églises de Transylvanie dans La Transylvanie et ses habitants, ouvrage publié en 1845 :
Les églises valaques sont pittoresques. Elles sont fort basses et construites en bois; le toit, qui est
très élevé, est formé des bardeaux découpés, auxquels la pluie donne un reflet argenté. Un clocher
également de bois, terminé par une aiguille fort mince, surmonte régulièrement cet édifice primitif.
Les murs sont couverts à l’extérieur de peintures naïves. Quelques fois une galerie flanque l’église
et une porte sculptée et découpée avec assez d’art ferme le champ qui l’entoure. On rencontre en
foule de charmantes églises de ce genre, et on se demande comment des hommes aussi simples, sans
autre guide que leur inspiration, parviennent à ériger et à orner ces édifices.

Suivant l’habitude valaque, la porte qui est percée sur le côté, est si basse qu’on ne peut entrer sans
courber la tête: peut-être dans la pensée des architectes y a-t-il une intention. Deux fenêtres fort
petites répandent à l’intérieur de l’église une lumière douteuse. A la faveur de ce demi-jour
mystérieux on aperçoit d’éclatantes peintures qui ornent les murailles de bois. Ce sont des portraits
de saints et des scènes allégoriques, avec le nom des personnages et l’explication des sujets en
lettres cyrilliennes. Ici l’on a ingénieusement représenté les péchés capitaux, et l’on voit le diable
entraîner les pécheurs avec un rire terrible. Là, la mort emporte d’un même coup un roi, un prêtre
et un villageois. Cette dernière scène se retrouve souvent dans les églises valaques. Les artistes
paysans se consolaient de l’oppression en proclamant, sous l’égide de la religion, l’égalité des
hommes (…). Au fond de l’église se trouve l’iconostase, la cloison qui sépare le prêtre de la foule.
Elle est dorée et recouverte d’une multitude de bannières et de tableaux bénits. Les tableaux sont de
toutes dimensions; aussi les personnages sont-ils de toutes grandeurs. Faute d’espace ils se
recouvrent les uns les autres, si bien qu’une tête colossale de saint Nicolas repose sur le corps
démesurément petit de saint Pierre placé au-dessous. En jetant un coup d’œil rapide autour de soi,
en voyant cette quantité de figures incroyables qui vous regardent, celles-ci en riant affreusement,
celles-là en grinçant des dents, on se croit dans un monde fantastique. L’obscurité augmente encore
l’effet car l’œil n’aperçoit pas de prime abord toutes ces chinoiseries, qui apparaissent peu à peu, et
semblent se multiplier pour vous.

Si naïves que soient ces peintures, elles attestent chez la nation valaque un certain goût pour l’art.
Après tout ce sont des paysans qui les ont faites. Tel garçon qui jusque-là a aidé son père dans le
travail des champs se sent un jour disposé à peindre : anch’io son’ pittore! Et le voilà qui illumine
ensuite sa fantaisie. C’est un artiste mis à la hauteur de la société au milieu de laquelle il vit. Mais
que cette société s’élève et se rapproche de la nôtre, rien n’empêchera que ce paysan soit un peintre.
Cette disposition des Valaques tient à leur origine italienne. Ce peuple est intelligent et spirituel..
« Je m’appelle Saint Michel. Mon nom est dû à la piété populaire pour l’archange vainqueur,
commune aux Orthodoxes et aux Catholiques. Je me trouvais dans les monts Apuseni dans la
commune Lupșa au village de Vința au bord d’un lac de déchets chimiques qui allait m’avaler. Ce
lac chimique a été créé par la plus importante exploitation de cuivre d’Europe qui se trouve à Roșia
Poieni. Cette mine a été ouverte en 1978 à l’époque de Ceausescu. Le lac a déjà couvert un village,
Geamăna, et l’église jumelle de ce village en 2010.

Le village de Vința s’est développé pendant la première moitié de dix-huitième siècle à la suite de
l’ouverture des mines dans la région par le pouvoir impérial des Habsbourg. Son existence est liée à
l’industrie minière, sa disparition de même. Il est mentionné dans la conscription de 1750. Je fus
bâtie au début des années 1760, car un des livres de culte m’est dédié en 1763 et le clocher a été
forgé spécialement pour moi en 1775. Le prêtre qui m’a bâtie s’appelait probablement Ianc. Je fus
peinte par Simion Silaghi, un peintre surnommé le peintre des Apuseni, et son fils Simion entre
1819 et 1821. Raluca m’a découverte en 2016, mais comme j’étais ouverte seulement quatre fois par
an, elle n’a pu me visiter qu’en 2018 lors de la dernière messe célébrée ici. J’étais un peu triste, car
j’aimais être ouverte et que des gens viennent prier dans mes entrailles, mais à cause de
l’exploitation minière les villageois ont quitté les lieux. Raluca a entendu ma voix et elle a été
émerveillée par mes peintures. Le peintre Silaghi avait vraiment fait preuve de tout son talent. Dans
l’autel il avait représenté les anges et les prophètes et sur la voûte la liturgie céleste. L’iconostase
sur trois registres présentaient Christ et les apôtres, la Vierge et les prophètes et la Crucifixion. A
part les fêtes et l’Evangile des dimanches de la Pentecôte, dans la nef il y avait une représentation
unique des 24 vieillards de l’Apocalypse de St. Jean qui étaient disposés en deux rangs parallèles
sur les murs latéraux. Le Jugement Dernier était représenté au-dessus de l’entrée dans la nef, tandis
que dans le vestibule on trouvait la parabole des Dix Vierges, plusieurs saintes martyres et
l’Expulsion du Paradis au-dessus de l’entrée dans l’église.

Elle a décidé de me sauver, mais comme elle n’en avait pas les moyens, elle a fait de belles photos
et elle est partie faire des expositions à Bucarest, à Alba Iulia et à Sibiu. Tout le monde a appris mon
histoire et tous les spécialistes, architectes, restaurateurs, peintres ont pu me voir. Ils étaient étonnés
parce que je ne sois pas monument historique. La Fondation Pro Patrimonio, Raluca et le Musée
ASTRA sont convenus que la meilleure solution pour moi était d’être transférée au musée. Ce n’était
pas facile car une de mes particularités était le fait que j’étais bâtie en pierre, mais ma voûte et ma
tour étaient en bois, seul mon sanctuaire était entièrement en pierre. Il fallait trois types de
spécialistes pour me démonter, et de plus l’eau était seulement à un mètre du mon mur extérieur.
Raluca était très inquiète. Elle avait du mal à trouver des spécialistes pour extraire la fresque. Elle
avait aussi du mal à trouver l’argent pour payer les spécialistes et les matériaux. Elle marchait des
fois à pied 5 kilomètres avec son amie parce qu’elles n’avaient pas de voiture. Je l’ai entendue dire
une fois au peintre que s’il voulait qu’elle sauve ses fresques à Vința, il faudra qu’il l’aide depuis le
monde d’au-delà. Elle avait emprunté de l’argent pour pouvoir démarrer les travaux. Elle a reçu
finalement les fonds après avoir négocié avec CupruMin, l’entreprise qui gérait l’exploitation
minière, et l’église a été cédée au Musée ASTRA, comme elle l’avait demandé aux autorités
ecclésiastiques. Les eaux progressaient rapidement et menaçaient de me couvrir. Il y avait une lutte
acharnée contre le temps, contre les eaux, car il fallait finir tout avant l’arrivée de l’hiver, qui dans
cette région est très sévère. »

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